Le classicisme gothique

Les architectes, charpentiers, maçons, tailleurs de pierre, sculpteurs et verriers, qui ont travaillé à la cathédrale gothique, ont bénéficié de l'expérience des chantiers d'Île-de-France qui l'ont précédée. Ils ont construit un édifice unique au monde, parfaitement intégré dans les recherches architecturales de son temps et pourtant d'une originalité qui la distingue : elle est à la fois austère et élégante, vaste et rigoureuse, lumineuse et équilibrée, sage et audacieuse.

La rusticité est donnée par la qualité de la pierre, un calcaire extrait de la carrière de Berchères-les-Pierres, à une dizaine de kilomètres de la ville : ce matériau gris et irrégulier, dur à travailler avec précision, donne à l'édifice son caractère brut et austère. Ce caractère était néanmoins atténué à l'origine par la peinture ocre et blanche qui éclairait la pierre et soulignait les lignes de l'architecture. Les proportions sont peu communes et commandées par une ambition d'ampleur et d'équilibre. Les dimensions sont conditionnées par l'ancien édifice roman dont la nef centrale avait 16 mètres de largeur, largeur facile à maîtriser dans le cas d'une couverture charpentée, mais qui rend audacieuse la recherche d'équilibre dans le cadre d'un voûtement de pierre. D'autant qu'on cherche aussi une hauteur maximale en rapport avec cette largeur: les voûtes s'élèvent à 37 mètres dans la nef. Les dimensions de la nef poussent à abandonner le couvrement sexpartite pour des voûtes quadripartites sur plan barlong, plus efficaces et élégantes : c'est un système novateur, expérimenté quelques années plus tôt à Noyon. Ampleur aussi du chœur, qui connaît un développement considérable adapté au grand nombre de chanoines. Un vaste transept, fortement saillant, permet des processions dont la solennité est rehaussée par les porches sur lesquels ouvrent les bras de ce transept.

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La recherche de luminosité, qui hante les architectes de ce temps, aboutit à Chartres à des solutions efficaces : on supprime les tribunes qui surmontaient souvent les nefs latérales des basiliques antérieures, ce qui permet l'éclairage direct de la nef centrale. On ouvre des fenêtres géminées couronnées d'une rose, les plus vastes qu'on ait encore osées, occasion d'un immense programme vitré. Dès lors que des arcs-boutants contrebutent la poussée principale, plus n'est besoin de l'ancien système de superposition de voûtes qui consolidait l'édifice mais multipliait les écrans. Les nefs latérales montent d'un seul jet. Elles laissent passer jusqu'au cœur de la nef, par des arcades hautes de 14 mètres, la lumière venue des fenêtres des bas-côtés.

La qualité de l'équilibre se manifeste dans les rapports de proportion, la hauteur des grandes arcades étant égale à celle des fenêtres hautes. Équilibre aussi entre les verticales qui conduisent le regard jusqu'à la voûte, dans un élan à peine interrompu par de légers chapiteaux au décor végétal, et la longue horizontale du triforium qui dessine une élégante ligne ajourée creusant de zones d'ombre les parois de la nef. Les architectes de Chartres veillent à créer une impression d'unité qui n'entraîne aucune uniformité : ils font se succéder, au niveau des grandes arcades qui ouvrent sur les collatéraux, des piliers à pans coupés cantonnés de colonnettes circulaires et des piliers circulaires cantonnés de colonnettes polygonales. Ils rythment ainsi de jeux d'ombre et de lumière l'ossature verticale de l'édifice et rompent la monotonie du long vaisseau sans altérer l'unité de sa structure. Le décor désormais est le fruit de la lumière.

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